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Nicolas Barré a vécu tout à la fois une vie d'apôtre, de mystique, de maître spirituel, de fondateur et de pédagogue, animé par l'Esprit de Dieu. Saisi et façonné par cet Esprit, il est entré dans le grand courant de spiritualité apostolique de son époque. Cette spiritualité, très enracinée dans le mystère de l'Incarnation, a été l'élément unifiant de tout ce qu'il a fait, de tout ce qu'il a vécu.

 

Attiré par la figure de François de Paule, il a choisi d'entrer dans l'ordre des Minimes, établi par son fondateur sur deux solides piliers : l’humilité et la charité.

 

Son message, synthèse originale de ces deux courants, nous arrive, après plus de trois siècles, avec la force, l'actualité et la solidité des choses de Dieu.

 

Le principe sur lequel le Père Barré fonde sa spiritualité est : Jésus est au centre de tout. " Il faut aller par les voies de Jésus. Il faut Le suivre dans toutes ses démarches ". " Quand le Père Eternel attire quelqu'un, ce n'est pas ordinairement droit à Lui, mais c'est à Jésus."

 

Pour aller par les voies de Jésus, il faut d'abord l'écouter: " Depuis l'Incarnation, Dieu a parlé à son peuple par son fils. C'est donc Lui que nous devons écouter et suivre : « celui-ci est mon fils, écoutez-le ».

Jésus, Nicolas Barré l'a écouté dans la lecture et la méditation de la Parole de Dieu et la contemplation évangélique. Mais il l'a écouté aussi dans la clameur des pauvres, des petits, des ignorants, des personnes en difficulté ou accablées par l'épreuve. Il l'a écouté à travers les événements de son temps, sur lesquels il a porté un regard de Foi, pour y découvrir la volonté de Dieu et lui répondre, en "s'appuyant uniquement sur sa Providence".

 

Nicolas Barré ne sépare pas le Christ et les membres de son Corps Mystique : " Nous devrions mourir de honte de ce que nous faisons mine d'aimer Jésus, tandis que nous ne l'aimons pas du tout, puisque nous n'aimons pas ses membres, et ne chérissons point le prochain, dont le moindre est à son image ".

 

La contemplation de Jésus, Dieu-homme, le porte à un regard de Foi sur la réalité qui l'entoure : les enfants et les jeunes qui courent les rues, les hommes et les femmes qui risquent de se perdre. Il les porte dans sa prière "que ton règne vienne ! "

 

Sans trêve, il cherche avec d'autres les moyens d'y travailler efficacement, et il fonde le groupe des Maîtres et Maîtresses Charitables. Il l'établit sur les fondements du zèle missionnaire, du pur amour, de l'abandon, du désintéressement, de l'humilité, du discernement des esprits, de la disponibilité "pour faire connaître et aimer Jésus Christ".


MARCHER SUR LES VOIES DE JESUS

L'humilité, chemin de divinisation.

Jésus, dit saint Paul, "s'anéantit lui-même, prenant la condition d'esclave, il s'humilia, obéissant jusqu'à la mort de la croix" (Phil.2).

 

La contemplation de Jésus en son mystère d'Incarnation et le désir de le suivre amènent Nicolas Barré à situer l'humilité aux fondations de la vie spirituelle. "Les voies de Jésus nous conviennent ici-bas : petitesse, bassesse, douceur et patience".

 

C'est ainsi que Jésus se montre : "II est petit, doux, caché, anéanti, expirant sur l'humanité".

Il nous révèle que Dieu se plaît dans les humbles et les petits : "Un cœur humble, plus il s'abaisse, plus Dieu s'en approche : Il résiste aux orgueilleux, aux humbles Il donne sa grâce".

 

Car l'humilité creuse l'espace intérieur, le vide qui laissera la place à Jésus pour que le Règne de Dieu s'établisse au plus profond du cœur, en faisant reculer peu à peu le moi trop envahissant. "Nous voulons avoir un grand vide pour être remplis de la divinité, pour n'avoir de vie que celle de Jésus, car il n'y a que Lui qui est la Vie".

« Il faut que Dieu se fasse en nous, que Jésus soit incarné en nous, en nous créatures. Ce qui se fait réellement et physiquement dans l'humanité de Jésus-Christ par l'Incarnation du Verbe se fait en notre âme moralement et physiquement. Ainsi l'être de Dieu prend en quelque sorte la place de l'être humain. Mais cela n'est possible que par la grâce divine. » L'apôtre en est l'instrument qui reconnaît en chacun l'image de Dieu qui se détruit ou se façonne.

 

L'humilité est sortie de soi pour entrer en Dieu. "Cette sortie, cet exode, nous fait entrer dans le sein de la Providence infinie, infatigable, paternelle et maternelle de Dieu". Elle mène à la véritable adoration. "Cet abîme d'humilité vous mettra dans ce bel et admirable esprit d'admiration en esprit et en vérité". Le véritable adorateur reconnaît sa totale dépendance du Dieu créateur et sauveur. Il perçoit que "Dieu est en nous, opérant, gouvernant, faisant tout".

 

Pour adorer ainsi sans être dans l'illusion, il faut coller aux réalités de la terre, cette terre où Dieu, en Jésus, s'est incarné, et où il continue de s'incarner. Plus nous sommes près de la terre, de l’humble réalité de tant de  vies humaines,  plus notre adoration pourra être profonde et vraie. Elle ne consiste pas en paroles vides.

'Souvenez-vous que l'adoration ne gît pas en paroles, mais en bons effets, et dans les actes de l'esprit et du cœur".

 

Les fruits les plus précieux de cette adoration sont en effet l'amour de Dieu et du prochain qui grandissent ainsi "sans même qu'on s'en aperçoive". Nicolas Barré affirme: "Quoiqu'il soit très bon de ne vouloir penser qu'à Dieu, et de ne vouloir aimer que Dieu, ce n'est pas tout l'ouvrage de l'évangile. Jésus ne s'est pas contenté de cela. Il a fait des miracles, Il a prêché, Il a conversé, Il a guéri, Il a enseigné, Il a toujours agi pour le prochain qu'Il a regardé comme lui-même, Il a toujours travaillé".

 

"S'il est donc bon de se retirer pour penser à Dieu, il est tout aussi nécessaire d'être dans l'humble acceptation de soi-même pour entrer dans l'adoration de Dieu telle qu'Il la veut. Et par cette voie excellente on reçoit l'embrasement du cœur par la charité pour le prochain, de sorte que si nous sommes embrasés d'amour divin, nous en embrasions aussi les autres. Nous ne pouvons enflammer le prochain que si nous le sommes nous-mêmes."

 

Nicolas Barré parle d'expérience quand il écrit : "Le respect pour le prochain doit être plein d'amour, et cet amour est saintement crucifiant", mais aussi : "Un peu d'amour rend tout aisé ".

 

L'AMOUR, CHEMIN D'ABANDON

 

Dieu nous a aimés le premier, et "en pensant à Dieu souvent, l'âme sent que Dieu pense à elle. Elle s'aperçoit que Dieu l'aime, et qu'elle est invitée à l'aimer." Cette réciprocité d'amour lui cause une joie et une douceur extrêmes. Elle découvre même que c'est Dieu qui par une bonté infinie a commencé. C'est Lui qui nous a aimés le premier, qui dès l'éternité nous a aimés." Je t'ai aimé d'un amour éternel".

 

Aussi Nicolas Barré invite-t-il à vivre "dans la conviction de l'amour infiniment grand de ce Père à l'égard de son enfant. L'éclatante beauté et la noblesse de la divine et sainte enfance consistent en ces deux amours réciproques du Père à l'égard de son enfant et de cet enfant à l'égard d'un tel Père". De cette assurance d'être aimé naît la confiance et l'abandon total entre les mains de Dieu. "L'abandon est remise totale de soi-même et de tout ce qui nous concerne à Dieu comme à un Père. une confiance fondée sur l'excès d'amour de Dieu".

Nicolas Barré dans une de ses lettres, exprime ainsi sa prière d'abandon:

 

"Mon Dieu, je ne veux plus rien, je ne désire plus rien,
pour me mettre en état de désirer ce que tu veux,
comme tu le veux...
Que Jésus vive en nous,
que vive en nous son bon plaisir,
et il ne nous reste plus rien à désirer.
Seigneur, à toi de désirer en moi, dispose de moi, agis, arrange tout comme il te plaira,
et je tâcherai de désirer,
d'agir et de te suivre en tout et partout, sans réserve et sans limite ; 
je veux être à toi totalement".

 

 S'abandonner entre les mains de Dieu, c'est être "comme un pinceau dans la main d'un peintre ou comme la plume dans celle de l'écrivain".

Cette confiance est source intarissable de vie, de bonheur, d'espérance.

 

LA PRIERE, CHEMIN DE LA RENCONTRE

 

La foi vive de ceux qui sont ainsi sous la mouvance de l'Esprit Saint les amène "à parler et à s'entretenir amoureusement et respectueusement avec Dieu, avec la même liberté que pourrait le faire un ami avec son unique et intime ami".

 

Mais qu'elle soit aisée ou difficile, "il ne faut pas omettre l'oraison un seul jour : sans elle, tout va de travers."

Par elle, peu à peu, c'est toute la vie qui devient expérience de Dieu. Il visite son ami quand il veut, parfois "à contre temps" nous semble-t-il, au milieu de nos occupations, car "c'est là qu'il nous veut".

"Ne passons pas une heure sans un clin d'œil d'amour, de confiance, d'admiration ou d'abandon vers Jésus". Ainsi toute la vie devient prière. L'amour de Dieu grandit dans l'amour des autres, et l'amour des autres fait grandir l'amour de Dieu, dans une vie qui s'unifie en Dieu.

 

"Il faut le chercher,
On le trouve mais de loin,
et on ne fait que l'entrevoir,
On approche de Lui.
On le regarde avec étonnement;
ensuite on le contemple avec humilité
et enfin avec amour et confiance.
On lui parle.
On l'écoute.
On l'embrasse.
On le serre.
On tombe amoureusement en Lui.
On repose en Lui.
On se perd en Lui.
Et enfin on se transforme en Lui.

 

Mais à qui tout cela se donne-il ? A ceux qui ne veulent  que cela.

Sur ce chemin, "il faut se relever cent fois, mille fois, dix mille fois, sans perdre courage et recommencer toujours."

 

Nicolas Barré offre une spiritualité d'une intense et double présence à Dieu et au monde, à Dieu et aux autres, ou plutôt la spiritualité d'une présence au monde et aux autres unifiée dans la présence de Dieu.

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